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Le psoriasis chez l’enfant
Le psoriasis de l’enfant est souvent difficile à vivre pour l’enfant et source d’inquiétudes pour les parents. Le Dr Sébastien Barbarot fait le point sur les particularités du psoriasis de l’enfant.
Le Docteur Sébastien Barbarot est praticien hospitalier dans le service de dermatologie du CHU de Nantes, responsable de l’unité de dermatologie pédiatrique. Il est aussi responsable du centre de compétence neurofibromatose et de l’école de l’atopie.
Le psoriasis de l’enfant est-il fréquent ?
Le psoriasis de l’enfant est une maladie relativement fréquente. Bien que l’on ne dispose pas de chiffres très récents de la fréquence du psoriasis dans la population pédiatrique, nous avons des arguments pour penser que la maladie est moins fréquente chez l’enfant que chez l’adulte. Plus rare que la dermatite atopique, autre maladie inflammatoire dermatologique de l’enfant, la fréquence du psoriasis doit toutefois approcher les 1 % de la population pédiatrique.
Quels sont les aspects spécifiques du psoriasis de l’enfant ?
Toutes les formes de psoriasis peuvent se voir chez l’enfant. Ce qui le différencie de la maladie adulte, ce sont plutôt ses localisations particulières, comme le siège, le visage. La localisation au cuir chevelu est assez fréquente, comme chez l’adulte. Le rhumatisme psoriasique existe aussi chez l’enfant, avec une fréquence à peu près identique ou peut être un peu moindre que chez l’adulte selon les études.
Comme chez l’adulte, le psoriasis en plaques est le plus fréquent, mais on rencontre aussi des psoriasis pustuleux (les lésions sont des pustules jaunâtres, ndlr), érythrodermiques (la desquamation est intense et la peau est très rouge sur toute la surface du corps, ndlr). Il existe un plus grand nombre de formes dites « atypiques », ce qui signifie pour nous qu’elles ne ressemblent pas au psoriasis de l’adulte. Des formes génétiques ont été décrites.
Des facteurs favorisants ont-ils été identifiés ?
Le psoriasis est une maladie associée à un terrain génétique particulier. Elle n’est pas due à un seul gène, mais à un ensemble de gènes qui favorisent la maladie chez un individu. C’est pourquoi il existe parfois une prédisposition familiale au psoriasis.
Comme beaucoup de maladies inflammatoires chroniques, des facteurs d’environnement stimulent l’apparition de la maladie sur ce terrain génétique prédisposant. Parmi ces facteurs connus, les infections bactériennes peuvent déclencher notamment l’apparition d’un psoriasis en gouttes, forme assez fréquente qui peut aller vers une amélioration rapide sous traitement ou vers la pérennisation, parfois vers l’apparition d’un psoriasis en plaques.
Les filles sont autant touchées que les garçons. En revanche, le poids est un facteur associé, comme chez l’adulte : l’obésité est plus fréquente chez les enfants atteints de psoriasis, bien que le lien de causalité entre ces deux pathologies n’ait pas été établi.
Il n’y a pas d’âge d’apparition spécifique, un psoriasis peut apparaître à tout âge, avec toutefois des formes un peu différentes : plus l’enfant avance en âge, plus les formes sont proches de celles des adultes. Les formes localisées au siège sont plus fréquentes chez les tout petits, avec ce que l’on appelle le psoriasis des langes.
La puberté n’est pas un facteur identifié comme favorisant l’apparition d’un psoriasis, mais, quand un psoriasis est installé, elle peut être une période d’aggravation.
Quelles sont les particularités de la prise en charge du psoriasis de l’enfant ?
Le traitement local pose les mêmes problèmes chez l’enfant et chez l’adulte et d’abord celui de l’observance. Il peut être difficile de maintenir les traitements sur de longues périodes et l’observance et donc l’efficacité peut diminuer avec le temps. Le traitement du psoriasis du cuir chevelu peut être laborieux chez l’enfant comme chez l’adulte, avec les contraintes qu’imposent les traitements locaux. Nous sommes confrontés aux mêmes difficultés de la prise en charge des douleurs du rhumatisme psoriasique de l’enfant.
Enfin, il existe des différences pour les traitements par voie générale : peu d’essais cliniques ont été réalisés chez les enfants et l’on dispose de moins de médicaments chez l’enfant que chez l’adulte.
L’implication des parents coule-t-elle de source ?
Comme pour toutes les dermatoses chroniques de l’enfant, qui demandent des soins réguliers, la participation des parents est essentielle, mais difficile puisqu’on leur demande de jouer à la fois le rôle de parents et celui de soignants. Les soins, parfois nécessaires 2 fois par jour, souvent longs, difficiles à supporter pour les enfants, peuvent être source de conflits. Concilier le rôle de soignant et celui de parents est souvent compliqué.
Comment le psoriasis évolue-t-il ? A-t-il un impact sur le développement de l’enfant ?
L’évolution est variable. Je dirais qu’1 fois sur 3 le psoriasis s’améliore spontanément et disparaît, mais 2 fois sur 3, il persiste jusqu’à l’âge adulte. Il s’agit donc bien d’une maladie chronique. Il faut le considérer de cette manière, envisager cette chronicité et l’intégrer dans la prise en charge au long cours.
Il se peut que le psoriasis ne s’aggrave pas avec le temps, même si certaines périodes de la vie, plus stressantes peuvent provisoirement aggraver les lésions. En général, les enfants grandissent normalement. Le psoriasis n’a pas d’impact sur la croissance, sauf éventuellement les rhumatismes psoriasiques sévères qui ne seraient pas pris en charge, mais ces cas sont devenus très exceptionnels.
Mais en revanche la qualité de vie des enfants atteints de psoriasis modéré à sévère peut être gravement perturbée, ainsi que le développement psychologique. Les formes de psoriasis les plus visibles sont souvent source de problèmes relationnels à l’école pour des enfants qui peuvent être rejetés par les groupes. Cet impact social et sur la qualité de vie de l’enfant nécessite une grande vigilance, comme pour toutes les maladies chroniques dermatologiques les plus visibles.
Je souhaite insister sur la nécessité de prendre en charge de manière adaptée les formes modérées à sévères du psoriasis de l’enfant et je recommande un contrôle le plus parfait possible des lésions. Il n’y a pas de raison chez un enfant de ne pas traiter un psoriasis modéré à sévère, comme chez l’adulte.